AIR
LIQUIDE : « Nous
avons identifié trois boosters de croissance pour Air Liquide »
Benoît Potier, PDG d'Air Liquide | Crédits photo : Patrick Lazic
Benoît Potier - Président-directeur
général
Le groupe, qui fête cette années ses 100 ans de cotation a présenté ses
grandes orientations à l’horizon 2020. La croissance annuelle des ventes
devrait se situer entre 6% et 9% entre 2016 et 2020.
Benoît Potier, PDG d'Air Liquide | Crédits photo : Patrick Lazic
Vous venez de dresser, à l’occasion
d’une « journée investisseurs », un point d’étape à mi-parcours du
plan Alma 2015. Vous maintenez vos prévisions de retour sur capitaux, mais vous
revoyez légèrement à la baisse vos objectifs de croissance, pourquoi ?
La croissance de notre « base
installée » auprès de nos clients traditionnels est fortement corrélée à
l’évolution de la production industrielle. Au moment où nous avons établi notre
plan, en décembre 2010, nous étions dans une phase de reprise après la
crise qui avait vu la production industrielle mondiale s’écrouler. Or ce rebond
n’a pas tenu et dès le milieu de 2011 la situation s’est à nouveau retournée.
Nous avons donc temporairement perdu 2 à 3 points de croissance sur notre
base. En revanche, toutes nos initiatives de développement, dans la grande
industrie ou dans la santé, ont pleinement porté leurs fruits tout comme nos
petites acquisitions destinées à compléter la croissance organique. Les deux
facteurs de développement que nous maîtrisons ont bien été là, il a manqué la
croissance mondiale.
Nous avons élargi à une fourchette
11-13 %, contre 12-13 % auparavant notre cible en matière de retour
sur capitaux employés (ROCE), car une partie des investissements de
12 milliards qui auront été réalisés sur la période 2011-2015 ne sera
rentabilisée qu’à partir de 2016, quelques clients ayant retardé le démarrage
de leurs projets. En outre, certains grands projets deviennent des méga-projets
qui prennent plus longtemps avant d’entrer en production. Il faut compter trois
à quatre ans au lieu de dix-huit à vingt-quatre mois de façon classique. Un
exemple de méga-projet est la raffinerie de Yanbu, en Arabie saoudite. Nous
avons construit deux unités de production d’hydrogène. C’est le plus gros
investissement de l’histoire d’Air Liquide.
La « base installée » que
vous évoquez correspond surtout à la division Industrielle marchand, mais la
branche Electronique a également été un peu en deçà des attentes. Comment
l’expliquez-vous ?
L’électronique est un marché en
croissance. Mais il reste un marché très jeune et fluctuant. Après 2009, il est
reparti très fortement, ce qui a entraîné des surcapacités et, par ricochet,
une pression sur les prix des fournisseurs comme nous qui produisent les
molécules dont ont besoin les fabricants de semi-conducteurs. Mais le cycle va
repartir.
De plus, nous avons deux parades à
notre disposition pour lutter contre ce phénomène. Tout d’abord, nous
fournissons des gaz vecteurs – hydrogène, oxygène, azote – pour lesquels nous
signons des contrats sur dix ans. Cela nous permet de dégager une rentabilité
correcte. Ensuite, nous avons la capacité de proposer à nos clients de
nouvelles molécules, brevetées et à forte valeur ajoutée, sous forme liquide ou
gazeuse dont ils ont absolument besoin pour fabriquer des semi-conducteurs de
plus en plus sophistiqués. Nous renforçons nos positions dans cette gamme et
avons fait récemment l’acquisition de la société américaine Voltaix, spécialisée
dans les précurseurs avancés.
Vous fixez également des objectifs à
l’horizon 2020 avec une croissance plus soutenue de 6 % à 9 % du
chiffre d’affaires. Quels seront les moteurs de ce retour à une expansion plus
soutenue ?
Nous estimons tout d’abord que notre
base installée, sans être équivalente à ce qu’elle était avant la crise,
retrouvera un rythme de croissance moyen de l’ordre de 2 % à 3 % par
an. La montée des classes moyennes dans les pays émergents devrait y
contribuer. Nous profiterons également des investissements importants réalisés
entre 2011-2015 qui produiront pleinement leurs effets sur la
période 2016-2020. Nos initiatives de croissance se poursuivront à un
rythme d’un peu moins de 2 milliards par an et nous comptons, bien sûr,
sur l’innovation.
En termes de retour sur capitaux
employés, nous devrions être dans le bas de la fourchette 11-13 % en début
de période et progressivement remonter à l’horizon 2020.
Au cours de son histoire, Air Liquide a su développer de nouvelles
applications, de nouveaux débouchés pour ses gaz : la grande industrie,
l’électronique… Quels seront ces relais de croissance des prochaines années ?
C’est ce que j’appelle des
« boosters » qui reposent sur des grandes tendances : la
globalisation de l’industrie et les contraintes de ressources, l’évolution des
modes de consommation et de la démographie, et l’appétit grandissant pour
l’innovation. Ces boosters représentent la capacité à ouvrir de nouveaux
marchés. Ils sont difficiles à chiffrer et il est délicat de déterminer à
quelle échéance ils généreront une activité importante. En conséquence, nous ne
les avons que partiellement intégrés dans notre plan à l’horizon 2020. Nous en
avons identifié trois.
Le premier a trait à l’accès aux
ressources naturelles et à la transition énergétique provoquée par la
globalisation et la catastrophe de Fukushima, au Japon. Cela recouvre la conversion de charbon en base pour la chimie en Chine, l’exploitation du gaz de schiste aux Etats-Unis, le raffinage et la pétrochimie au Moyen-Orient mais aussi les énergies
renouvelables. Nous fournissons ainsi des gaz pour l’industrie photovoltaïque.
Le biogaz, c’est-à-dire le gaz produit à partir de déchets ménagers ou
agricoles, est une autre piste prometteuse que nous suivons. Si les
gouvernements prenaient des mesures incitatives, comme ils l’ont fait pour
l’éthanol, et décidaient qu’une partie du gaz naturel doit provenir du biogaz, alors ce marché se développerait très
rapidement. Nous avons un rôle à y jouer grâce à notre technologie dans les
membranes polymères qui permettent d’épurer le biogaz.
Notre deuxième booster est lié aux
changements de comportement des citoyens, notamment dans la santé. Avec la base
de 1 million de patients que nous servons dans l’activité de santé à
domicile, nous avons de grandes possibilités de développement dans la santé
connectée, l’exploitation des données. Cela passera par des acquisitions. Nous
avons d’ailleurs créé Aliad, une structure de capital-risque destinée à
investir dans de jeunes start-up. Les gaz thérapeutiques constituent une autre
source de croissance à plus long terme.
Enfin, l’hydrogène énergie constitue
le troisième relais de croissance que nous avons identifié. C’est la pile à
combustible qui est connue depuis des décennies mais qui retrouve de l’intérêt
au moment où tout le monde est à la recherche d’énergie propre. L’hydrogène
présente l’avantage de rejeter de la vapeur d’eau alors que les hydrocarbures
rejettent du gaz carbonique. Les constructeurs automobiles veulent développer
les véhicules électriques. Dans ce contexte, l’hydrogène est un vecteur
énergétique prometteur. Pour traiter cet enjeu, nous faisons systématiquement
partie de tous les consortiums constitués par les constructeurs, les
pétroliers, les pouvoirs publics. En Allemagne, très en pointe sur le sujet, nous participons à l’initiative H2
Mobility, projet qui vise à déployer 400 stations-service à hydrogène à
l’horizon 2023 dans le pays.
Pour démontrer l’efficacité de la
pile à combustible, nous avons identifié et développé des marchés précurseurs
où cela fonctionne déjà : les flottes captives, les chariots élévateurs…
Vous venez récemment d’annoncer la
cession de votre participation dans Anios. Est-ce le signe d’une politique plus
intensive de cession d’actifs ?
Air Liquide revoit régulièrement son
portefeuille d’activités afin de s’assurer que chacun de ses métiers bénéficie
du positionnement de nature à lui donner les meilleures opportunités de
développement.
Le monde moderne nous invite à une
gestion plus active de notre portefeuille, à regarder la viabilité de certaines
positions, à s’intéresser aux start-up, à continuer à faire des acquisitions.
Air Liquide fête cette année le centième
anniversaire de sa cotation en Bourse. Quels enseignements tirez-vous de ce
parcours et du rôle de la Bourse pour votre société ?
C’est tout d’abord une fierté pour
tout ce qui a été fait. Nous avons réussi à jouer le jeu du capitalisme avec
ses bénéfices et ses contraintes. Nous sommes parvenus à développer la société
avec un bon équilibre entre les actionnaires institutionnels et individuels.
Les premiers apportent la liquidité et une exigence de performance. Les seconds
l’attachement à l’entreprise et la confiance et nous permettent d’investir dans
des projets à long terme.
En combinant les deux, nous avons le
meilleur des deux mondes. L’histoire d’Air Liquide, qui est à l’origine celle
du développement d’une start-up qui, trois jours avant son entrée en Bourse
n’avait pas de capitaux, est une extraordinaire expérience industrielle,
humaine et capitalistique. On oublie trop souvent que l’entreprise n’existe au
départ que par son capital même si ensuite ce sont les équipes qui bâtissent
son succès.
Vous êtes membre fondateur de
l’Observatoire pour la promotion des actionnaires individuels créé par
Investir. Que vous inspirent les premiers mois d’existence de cet
observatoire ?
Nous avons accueilli cette initiative
très positivement. Il est nécessaire de faire la promotion de l’actionnariat
individuel et parfois de le défendre. C’est une voix qu’il faut porter de façon
constructive. Il faut des actionnaires, des propriétaires qui aident les
entreprises à se développer. Ils sont utiles à l’économie et doivent être
respectés.
Tout gouvernement doit avoir pour
objectif de créer un environnement favorable, de créer la confiance.
L’observatoire a pour mission de le rappeler. Nous avons pu le tester de façon
assez marquante sur le sujet du PEA. Il faut se réjouir de la victoire obtenue
mais ne pas s’en glorifier. Nous devons rester vigilants et constructifs. Etre
une force de proposition.
Benoît Potier - President and CEO
The group, which celebrates this year its 100th
anniversary quotation presented as guidance for 2020. Annual sales growth is expected to be
between 6% and 9% between 2016 and 2020.
Benoît Potier, Chairman and CEO of Air Liquide | Photo
Credits: Patrick Lazic
You just draw on the occasion of
"Investor Day", a waypoint mid-term plan Alma 2015. You hold your projected return on
capital, but you review your slightly lower growth targets, why?
The growth of our "installed base" with our traditional
customers is highly correlated with the evolution of industrial production. When we set our plan in December 2010,
we were in a recovery phase after the crisis which saw global industrial
production collapse. But this recovery has not taken and from the middle of 2011 the
situation has returned again. So we temporarily lost 2-3 percentage points of growth in our database. In contrast, all our development initiatives, in large industry or in
health, fully paid off as our small acquisitions to complement organic growth. The two factors of development we have
been mastered, he has failed global growth.
We expanded to a range 11-13% against
12-13% previously our target for return on capital employed (ROCE) as part of
the investments of 12 billion that has been made over the period 2011-2015
will made profitable until 2016, some customers who delayed the start of their
projects. In addition, some major projects become
mega-projects that take longer before going into production. It takes three to four years instead of
eighteen to twenty-four months conventionally. An example of a mega-project is the
Yanbu refinery in Saudi Arabia. We have built two units of hydrogen
production. This is the largest investment in the
history of Air Liquide.
The "installed base" that you
mention above is the merchant Industrial division, but the electronics industry
was also slightly below expectations. How do you explain that?
Electronics is a growing market. But there is still a very young and fluctuating market. After 2009, he left very strongly,
resulting in overcapacity and, in turn, pressure on prices from suppliers like
us who produce molecules needed by manufacturers of semiconductors. But the cycle will start again.
In addition, we have two parades at our
disposal to fight against this phenomenon. First, we provide carrier gases - hydrogen, oxygen, nitrogen - for which
we contract over ten years. This allows us to generate a fair
return. Then, we have the ability to offer our customers new molecules patented
and high added value, in liquid or gaseous they absolutely need to make
semiconductors more sophisticated form. We are strengthening our position in
this range and have recently acquired the American company Voltaix,
specializing in advanced precursors.
You can also set goals for 2020 with a more sustained 6% to 9% of sales
growth. What will drive this return to a more
sustained expansion?
First of all we believe our installed
base, without being equivalent to what it was before the crisis, find an
average growth rate of around 2% to 3% per year. The rise of the middle classes in
emerging markets should help. We will also take significant investments
made between 2011-2015 that full effect over the period 2016-2020. Our growth initiatives will continue at
a rate of just under 2 billion a year and we have, of course, innovation.
In terms of return on capital employed,
we should be in the lower range 11-13% at the beginning of the period and
gradually up to 2020.
During its history, Air
Liquide has developed new applications, new markets for its gas: heavy industry,
electronics ... What will be the growth drivers of the next few years?
This is what I call "boosters"
that are based on major trends: the globalization of the industry and resource
constraints, changing consumption patterns and demography, and the growing
appetite for innovation. These boosters are the ability to open
new markets. They are difficult to quantify and it is
difficult to determine how soon they will generate an important activity. Accordingly, we did only partially
integrated into our plan for 2020. We have identified three.
The first relates to access to natural
resources and energy transition caused by globalization and the disaster in
Fukushima, Japan . This includes the conversion of coal
into basic chemistry China , the exploitation of shale gas in the United States , refining and petrochemicals in the
Middle East but also renewables. And we provide gas for the photovoltaic
industry. Biogas, that is to say a product from
municipal or agricultural waste gas, is another promising approach that we
follow. If governments take incentives, as they
did for ethanol, and decided that a portion of natural gas must come from biogas, then this market
would develop very quickly. We have a role to play through our
technology in polymer membranes that allow to purify biogas.
Our second booster is related to changes
in the behavior of citizens, particularly in health. With the base of 1 million patients we serve in the healthcare business
at home, we have great opportunities for development in the connected health,
the use of data.
This will be through acquisitions. We have also created Aliad a structure
for venture capital investing in young start-ups. Therapeutic gas is another source of
growth in the longer term.
Finally, hydrogen energy is the third
source of growth that we have identified. This is the fuel cell has been known for
decades, but who finds interest when everyone is looking for clean energy. Hydrogen has the advantage of reject water vapor while hydrocarbons
produce carbon dioxide. Automakers want to develop electric vehicles. In this context, hydrogen is a promising
energy source. To address this issue, we always are
part of consortia formed by all manufacturers, petroleum, government. In Germany , very advanced on the subject, we participate in the H2 Mobility
initiative, a project that aims to deploy 400 hydrogen stations by 2023 in the
country.
To demonstrate the efficiency of the
fuel cell, we have identified and developed early markets where it already
works captive fleets, forklifts ...
You have just recently announced the
sale of your participation in Anios. Is this a sign of a more intensive
political asset disposal?
Air
Liquide regularly reviews its business portfolio to ensure that each of its
business benefits positioning likely to give him the best opportunities for
development.
The modern world invites us to more
active management of our portfolio, watching the viability of certain
positions, to focus on the start-up, to continue to make acquisitions.
Air
Liquide celebrates the hundredth anniversary of its listing on the stock market
this year. What lessons do you draw from this course and the role of the stock
market for your company?
It is first of all a pride for all that has been done. We managed to play the game of
capitalism with its benefits and constraints. We managed to grow the company with a good balance between institutional
and individual shareholders. The first provide liquidity and
performance requirement. The second attachment to the company and
trust and allow us to invest in long-term projects.
By combining the two, we have the best
of both worlds. The story of Air Liquide, which is
originally that of a start-up development, three days before its IPO had no
capital, an extraordinary industrial, human capital and experience. We often forget that the company is starting its capital by then even if
it is the teams that build success.
You are a founding member of the Centre for the Promotion of individual
shareholders created by Invest. You have in the first few months of this
observatory?
We welcomed this initiative very positively. It is necessary to promote the
individual ownership and sometimes defend. It is a voice that must be constructively. It must shareholders, owners that help
businesses grow.
They are useful to the economy and must
be respected.
Any government should aim to create an
enabling environment for, create trust. The Observatory's mission is to remember. We could test fairly prominent on the
subject of PEA. We should rejoice in the victory but not
to glorify. We must remain vigilant and
constructive. Being a force of proposal.
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