Salaires des patrons: l'effet pervers de la
transparence
Par Franck Dedieu - publié le 05/06/2013 à 17:18
« l’expansion »
La divulgation des salaires des grands chefs d'entreprises a des
conséquences inattendues: les rémunérations des patrons ont eu tendance à
grimper depuis qu'ils ont pu les comparer.
En 10 ans, la rémunération d'Henri de Castries, PDG d'Axa, a fait un
bond de 129%.
REUTERS/Benoit
Tessier
Ils devaient enfin se mettre à nu, exposer leurs bedonnants bonus,
sortir du placard leurs retraites chapeaux, exposer leurs attrayantes
stock-options. C'était le 15 mai 2001. La loi NRE (nouvelles régulations
économiques) venait de passer, faisant obligation aux grands patrons de révéler
toutes leurs rémunérations.
Finies, les cachotteries : les petits actionnaires et la presse allaient
pouvoir pointer les abus et contraindre les principaux intéressés à plus de
mesure. Aujourd'hui, douze ans plus tard, les excès font régulièrement l'actualité. Mais surtout, les rémunérations montent en flèche depuis le vote de la
loi, malgré une légère décrue depuis deux ans.
Dix ans de clarté... et d'excès
Nom
|
Société
|
Rémunération
perçue en 2002 (1)
|
Rémunération
perçue en 2012 (1)
|
Variation
|
Henri de Castries
|
Axa
|
1 329 146 euros
|
3 049 761 euros
|
129 %
|
Benoît Potier (2)
|
Air liquide
|
1 296 000 euros
|
2 743 000 euros
|
112 %
|
Pierre Pringuet (2)(3)
|
Pernod-Ricard
|
1 412 140 euros
|
2 696 873 euros
|
91 %
|
Paul Hermelin (4)
|
Capgemini
|
1 218 350 euros
|
2 187 600 euros
|
80 %
|
Franck Riboud (2)
|
Danone
|
2 400 000 euros
|
3 658 170 euros
|
52 %
|
Gérard Mestrallet
|
GDF Suez
|
2 270 602 euros
|
3 088 977 euros
|
36 %
|
Bernard Arnault
|
LVMH
|
3 387 043 euros
|
3 519 516 euros
|
4 %
|
Baudouin Prot (5)
|
BNP Paribas
|
1 373 748 euros
|
1 418 681 euros
|
3 %
|
Martin Bouygues
|
Bouygues
|
2 432 999 euros
|
2 404 970 euros
|
- 1 %
|
Moyenne
|
1 531 127 euros
|
2 867 081 euros
|
87 %
|
(1) Salaire fixe et bonus, hors stock-options et actions gratuites. (2)
Rémunération au titre de 2002 et de 2012. (3) Promu seul directeur général en
2008. (4) Nommé directeur général le 24 juillet 2002, rémunération en 2003. (5)
Directeur général délégué en 2002.
Les neuf patrons du CAC 40 aux manettes depuis 2002 et toujours en poste
ont vu leurs rémunérations (salaire fixe et bonus) s'apprécier de 87 % en
moyenne, soit, hors inflation, une hausse de 68 %. Au cours de la décennie
écoulée, trois d'entre eux parviennent même à doubler leurs émoluments : le
président d'Axa, Henri de Castries, ses homologues d'Air liquide, Benoît
Potier, et de Pernod-Ricard, Pierre Pringuet, promu grand patron en milieu de
parcours. "Au-delà des montants stricto sensu, la transparence devait
amener les rémunérations des patrons à se caler sur leurs performances.
68%
c'est la hausse hors inflation des rémunérations des neuf patrons du CAC
40 en poste entre 2002 et aujourd'hui.
Or les études notent plutôt une absence de corrélation entre les
résultats et la paie", s'étonne Frédéric Palomino, chercheur à l'Edhec. En
effet, dans ce petit échantillon de vieux patrons du CAC 40, les bons résultats
ne se traduisent pas forcément en augmentation. Bernard Arnault, à la tête de
LVMH, reste calé à 3,5 millions d'euros, mais son titre quintuple en Bourse, et
son bénéfice flambe. A l'inverse, le patron de Capgemini, Paul Hermelin, se
retrouve avec une rallonge de 80 % entre 2002 et 2012, alors que son cours de
Bourse sur la période s'effondre de 62 %.
Une mécanique d'appréciation salariale
Comment expliquer les effets pervers et inflationnistes de la
transparence ? "Par le jeu des comparaisons faites à partir de grilles
très précises élaborées par des cabinets de consultants. Les patrons les plus
performants veulent figurer dans le haut du panier et se rapprocher des
standards américains. Les autres ne veulent pas figurer au-dessous de la
rémunération moyenne de leurs pairs. Ce serait vécu comme un affront fait au
dirigeant par le comité des rémunérations, l'organe du conseil d'administration
chargé de proposer les fixes et les bonus", explique Pierre-Henri Leroy,
patron de Proxinvest, cabinet de défense des actionnaires minoritaires. Cette
mécanique d'appréciation salariale porte d'ailleurs le joli nom d'"échelle
de perroquet", dont on gravit les barreaux au vu et au su de tous.
Paychecks: the perverse effect of transparency
By Franck Dedieu - posted on 05/06/2013
at 17:18 "expansion"
The disclosure of the salaries of top business leaders
has unexpected consequences: the remuneration of bosses tended to rise since
they were able to compare.
In 10 years, the remuneration of Henri
de Castries, CEO of Axa, has jumped 129%.
REUTERS / Benoit Tessier
They finally had to bare, exposing their bonus paunchy, out of the
closet their pensions hats , exposing their attractive stock options. It was May 15, 2001. NRE (NRE) had passed, obliging the big bosses to
reveal all their earnings.
Finished, the secrecy: the small shareholders and the
press were able to point violation and constrain key stakeholders over
measurement. Today, twelve years later, the excesses are regularly news . Most importantly, pay skyrocketing since the passing
of the law, despite a slight decline in two years.
Ten years of clarity ... and excess
Company
|
Received compensation in 2002 (1)
|
Received compensation in 2012 (1)
|
Change
|
|
Henri
de Castries
|
Axa
|
1,329,146
euros
|
3,049,761
euros
|
129%
|
Benoît
Potier (2)
|
Air
Liquide
|
1,296,000
euros
|
2,743,000
euros
|
112%
|
Pringuet
(2) (3)
|
Pernod-Ricard
|
1,412,140
euros
|
2,696,873
euros
|
91%
|
Paul
Hermelin (4)
|
Capgemini
|
1,218,350
euros
|
2,187,600
euros
|
80%
|
Franck
Riboud (2)
|
Danone
|
2 400
000 euros
|
3,658,170
euros
|
52%
|
Mestrallet
|
GDF
Suez
|
2,270,602
euros
|
3,088,977
euros
|
36%
|
Bernard
Arnault
|
LVMH
|
3,387,043
euros
|
3,519,516
euros
|
4%
|
Baudouin
Prot (5)
|
BNP
Paribas
|
1,373,748
euros
|
1,418,681
euros
|
3%
|
Martin
Bouygues
|
Bouygues
|
2,432,999
euros
|
2,404,970
euros
|
- 1%
|
Average
|
1,531,127
euros
|
2,867,081
euros
|
87%
|
(1) Fixed salary and bonus, excluding stock options
and free shares.
(2) Remuneration for 2002 and 2012. (3) Promoted only CEO in 2008. (4) Appointed Chief Executive Officer on
24 July 2002, earnings in 2003. (5) Chief Executive Officer in 2002.
The new owners of the CAC 40 in control since 2002 and still working
have seen their remuneration (base salary and bonus) to appreciate by 87% on
average, excluding inflation, an increase of 68%. During the past decade, three of
them even manage to double their salaries: President of Axa, Henri de Castries,
its counterparts in Air Liquide, Benoît Potier, and Pernod-Ricard Pringuet
promoted large boss midcourse. "Beyond amounts strictly speaking, transparency
should get compensation patterns to stall on their performance.
68%
is increased above inflation pay the new owners of the
CAC 40 in position between 2002 and today.
Or rather, the studies noted a lack of correlation between the results
and pay "is surprised Frédéric Palomino, a researcher at EDHEC. Indeed, in
this small sample of old bosses CAC 40, good results do not translate
necessarily increase. Bernard Arnault, head of LVMH, remains stalled at 3.5
million euros, but his title five times the stock market, and earnings flames.
Conversely, the head of Capgemini, Paul Hermelin, is up with an extension of
80% between 2002 and 2012, while its share price over the period collapsed by
62%.
Mechanical employee appreciation
How to explain the adverse effects of inflation and
transparency? "In the game of comparisons made from very
precise grids developed by consulting firms.'s Most powerful bosses want to be
in the top of the basket and get closer to American standards. Others do not
want to appear below the average earnings of their peers. This is seen as an
affront to the executive by the Remuneration Committee, the body of the Board
of Directors to provide fixed and bonus, "said Pierre-Henri Leroy, head of
Proxinvest firm defense of minority shareholders. This mechanical employee appreciation goes also the
beautiful name of "ladder scale", whose rungs we climb to the full
knowledge of all.
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