Par
Armelle
Bohineust, Jacques-Olivier
Martin | Publié le
18/02/2013 à 18:59 | Mise à jour le 19/02/2013 à 09:37 | Réactions (2)
« Le Figaro »
Benoît Potier: «Je suis de plus en plus persuadé
que l’Europe affronte le vent glacial et violent de la concurrence.» Crédit
Photo : Jean-Christophe MARMARA/JC MARMARA/LE FIGARO
INTERVIEW - Le PDG d’Air liquide, Benoît Potier,
revient sur les performances de son groupe et porte un regard sans concession
sur la politique européenne et la situation de la France.
Le leader mondial des gaz pour l’industrie, la
santé et l’environnement a délivré des résultats solides en 2012. Son chiffre
d’affaires atteint 15,3 milliards d’euros, en hausse de 6% et son bénéfice
net s’élève à 1,6 milliard d’euros (+ 4,9%). Benoît Potier, patron du
groupe, s’engage en faveur d’une Europe plus proche des producteurs et appelle
à aller plus loin dans l’amélioration de la compétitivité en France.
LE FIGARO. - Comment jugez-vous le projet de crédit
d’impôt compétitivité?
Benoît
POTIER. - La
direction est excellente. Les entreprises auraient toutefois préféré une baisse
du coût du travail directe plutôt que par le biais d’un crédit d’impôt.
D’autant que le dispositif cible les entreprises à très forte intensité de
main-d’œuvre et moins les industries fortement capitalistiques. Entre les
hausses d’impôts votées ces derniers mois et le crédit d’impôt compétitivité,
les entreprises comme la nôtre ne s’y retrouvent pas.
Appelez-vous à des efforts supplémentaires en
matière de compétitivité?
Le crédit d’impôt et l’accord sur
flexibilité-sécurité sur le travail sont deux bonnes mesures. Elles sont
toutefois insuffisantes. Il faut aller plus loin dans la baisse du coût du
travail pour regagner en compétitivité. Concernant le seul crédit d’impôt
compétitivité, je suis favorable à des ajustements qui permettraient à
l’industrie d’en profiter davantage. Enfin, et c’est fondamental, il faut
s’attaquer aux dépenses publiques qui sont trop élevées en France, lorsqu’on
les compare à des pays comme l’Allemagne. La Suède et le Canada l’ont fait
massivement tout en générant de la croissance. Il est donc inexact de dire que
la baisse de la dépense publique empêche la croissance.
Avec les projets de taxation des très hauts
revenus, les affaires PSA et Mittal, l’alourdissement de la fiscalité…
constatez-vous une perte d’attractivité de la France?
À l’étranger, l’image de la France a changé. Je
constate qu’il y a eu beaucoup de questionnements, d’incompréhension. Cela a
provoqué un attentisme des investisseurs. Il faudra du temps pour que les
investisseurs et les clients comprennent ce qui se passe et reprennent confiance.
Une loi sur la reprise des sites rentables
pourrait-elle aider l’industrie en France?
Le projet n’est pas encore connu donc je me
garderai bien de le juger. Cela me semble toutefois assez peu réaliste. Car ce
qui guide une entreprise dans son choix de fermer ou non un site, c’est le
marché. Autrement dit, seuls les sites qui ne sont pas rentables, même après
restructuration, ont vocation à être fermés. Une reprise de tels sites par une
société ne résout pas leur inadéquation au marché. Je constate également
qu’aucun pays n’impose de céder des sites qui doivent être fermés.
Comment voyez-vous l’avenir de l’Europe?
Je suis de plus en plus persuadé que l’Europe
affronte le vent glacial et violent de la concurrence. Nous avons construit
avec succès un marché commun, c’est-à-dire une sorte de grande halle où l’on
commercialise et échange des marchandises. S’y est ajoutée une monnaie unique,
qui est un acquis considérable car cela permet d’investir dans d’autres pays
européens sans risque de devise. Mais dans le même temps, nous n’avons pas de
politique énergétique européenne, ni de politique commune de défense. Nous
avons favorisé la concurrence au profit des centaines de millions de
consommateurs sans nous préoccuper des producteurs européens. Le monde entier
s’engouffre en Europe, joue sur la fiscalité différente d’un pays à un autre.
L’Europe doit être ouverte mais consciente d’elle-même et elle doit se gérer
comme un ensemble homogène. L’Europe doit aussi se doter d’une âme. Quand les
pays européens le veulent, ils sont capables de faire prévaloir leurs normes
dans le monde entier.
La France est en récession fin 2012. Comment
cela s’est traduit pour un industriel comme Air liquide?
Paradoxalement, notre quatrième trimestre a été
meilleur que les précédents, en Europe et partout dans le monde. Mais il nous
faudra attendre les deux ou trois prochains trimestres pour voir s’il s’agit
d’une tendance bien réelle
Vous êtes donc plutôt confiant?
Les deux tiers de nos marchés sont en croissance,
c’est-à-dire la santé en Europe, cette activité représente 18 % de notre
chiffre d’affaires global, et l’industrie notamment en Amérique et en Asie. En
revanche, nos activités industrielles en Europe stagnent. La sidérurgie se
restructure et ferme des sites. Le secteur de la chimie, également, se
rationalise au même titre que le raffinage. Bien sûr, lorsque le secteur de
l’automobile se stabilisera, quantité d’industries en amont comme le verre, la
chimie, les aciers plats, le raffinage, l’électronique se porteront mieux. Je
note toutefois une grande différence entre l’Europe du Nord et du Sud. Nous
avons en effet signé de nouveaux contrats dans l’industrie en Allemagne, aux
Pays-Bas. En revanche, nous n’avons pas signé de contrats significatifs dans
ces secteurs en Italie, en Espagne et en France.
Quels sont les relais de croissance d’Air liquide?
Nos leviers de croissance s’appuient sur des
tendances de fond. D’abord la démographie. Là où se trouvent les populations
jeunes, il existe un potentiel industriel. Là où les populations sont plus
âgées, la santé se développe. Sous cet angle, l’Europe est un marché de
croissance. Autre tendance: la demande d’innovation. Qui sont les acteurs les
plus innovants et où innove-t-on? C’est le cas aux États-Unis, en Europe, en Chine
et même au Moyen Orient. Ce monde de l’innovation ne se lit pas sur la carte
des sites industriels actuels. Résultat, rien n’empêche de faire de la
recherche aux États-Unis pour produire ensuite en Asie et vendre en Europe. Les
leviers de croissance d’Air liquide en Europe, ce sont la santé,
l’environnement, les économies d’énergies. Enfin, les économies où sont
principalement localisés les sites industriels et les ressources naturelles. En
2008, 15 % de notre chiffre d’affaires venait des économies en développement.
En 2012, c’était 23 % et ce sera rapidement 35 %.
Air liquide fête mercredi ses 100 ans de cotation
boursière, alors même que le nombre de petits porteurs ne cesse de
diminuer en France. Êtes-vous inquiet pour l’avenir?
J’ai plusieurs sources d’inquiétudes en réalité. La
première concerne l’actionnariat institutionnel français. Il est passé en
quatre ans de 30 à 20 % de notre capital. Cette baisse est considérable.
Elle tient largement à la mise en place des réglementations Bâle 3 et Solvency
2. En Europe, les assureurs ont réduit de 300 milliards d’euros leurs
investissements en actions ces dernières années. Ces investissements manquent
aux entreprises, en particulier les PME qui sont nos clients. Ma seconde source
d’inquiétude, fondamentale pour Air liquide, ce sont nos 400 000
actionnaires individuels qui représentent près de 40 % de notre capital.
Entre l’alignement de la fiscalité du capital sur le travail et l’acompte de
21 % sur les dividendes, nous allons faire fuir les investisseurs individuels
vers des investissements moins rentables et défiscalisés comme le livret A. Or,
les actionnaires sont utiles aux entreprises et nous devrions au contraire
inciter les Français à investir en Bourse.
2013 sera-t-elle une nouvelle année de hausse du
bénéfice d’Air liquide?
Sauf dégradation de l’environnement, nous sommes
confiants dans notre capacité à réaliser une nouvelle année de croissance du
résultat net en 2013.
Going further into the lower cost of labor "
Jacques-Olivier Martin By Armelle Bohineust , Jacques-Olivier Martin Réactions ( 2 ) | Published on 18/02/2013 at 18:59 |
Updated 19/02/2013 at 09:37 | Reactions (2) "Le Figaro"
Benoît Potier, "I am increasingly
convinced that Europe faces the cold and violent wind of competition."
Photo Credit: Jean-Christophe MARMARA / JC MARMARA / LE FIGARO
INTERVIEW - Air Liquide CEO , Benoît Potier, talks about
the performance of the group and takes a look without compromising on European
politics and the situation in France.
The world leader in gases for industry, health and the
environment has delivered strong results in 2012. Its turnover reached € 15.3 billion, up
6% and net profit amounted to EUR 1.6 billion (+4.9%). Benoît Potier, head of the group is
committed to a Europe closer to the producers and calls to go further in
improving competitiveness in France.
LE FIGARO. - How do you judge the project tax
credit competitiveness?
Benoît Potier -. direction is excellent. However, companies would have preferred a lower cost
of direct labor rather than through a tax credit. Especially as the target device
companies very intensive labor and less capital-intensive industries. Between tax increases passed in recent
months and competitive tax credit, companies like ours are confused.
Do you call for further efforts in terms
of competitiveness?
The tax agreement on flexibility and
security on labor-credit are two good measures. However, they are insufficient. It should go further in reducing the
cost of labor to regain competitiveness. On tax competitiveness the only credit I
am in favor of adjustments that allow the industry to get more. Finally, and this is essential, it must
be addressed that are too high in France spending when compared to countries like
Germany. Sweden and Canada have massively while
generating growth. It is therefore incorrect to say that
the decline in public spending prevents growth.
Projects with very high taxation of
income, business and PSA Mittal, the higher taxes ... you notice a loss of
attractiveness of France?
Abroad, the image of France has changed. I note that there has been a lot of
questions, misunderstanding. This caused investors wait. It will take time for investors and clients understand
what is happening and regain confidence.
A law on the resumption of profitable
sites could it help the industry in France?
The project is not yet known so I am not
going to judge him. However, it seems quite unrealistic. For what guide a company's choice
whether to close a site, it is the market. In other words, only those sites that are not
profitable, even after restructuring intended to be closed. A reversal of such sites by a company
does not resolve their inadequacy market. I also note that no country imposes
dispose of sites that should be closed.
How do you see the future of Europe?
I am increasingly convinced that Europe
faces the cold and violent wind of competition. We have successfully built a common
market, that is to say, a sort of large hall where the markets and exchange of
goods. Is added to a single currency, which is
a considerable achievement because it invests in other European countries
without currency risk. But at the same time, we have no
European energy policy, or common defense policy. We have fostered competition to the
benefit of hundreds of millions of consumers without worrying European
producers.
The world rushes in Europe, plays different from one
country to another tax. Europe must be open but conscious of itself and must
be managed as a continuum. Europe must also develop a soul. When European countries want, they are able to impose
their standards worldwide.
France is in recession in late 2012. What this meant for industrial as Air
Liquide?
Paradoxically, our fourth quarter was better than the
previous ones, in Europe and worldwide. But we must wait for the next two or three quarters to
see if it is a real trend
So you're pretty confident?
Two-thirds of our markets are growing, that is to say
health in Europe, this activity represents 18% of our total revenues, and
industry including America and Asia. However, our industrial activities in
Europe are stagnating. The steel industry is restructuring and
farm sites.
The chemical sector, also, was
rationalized as well as refining. Of course, when the auto industry will
stabilize amount of upstream industries such as glass, chemicals, flat steel,
refining, electronics will be better. However, I note a big difference between
Northern Europe and Southern Europe. Indeed, we have signed new contracts in
the industry in Germany, the Netherlands. However, we have not signed significant contracts in
these sectors in Italy, Spain and France.
What relay Air liquid growth?
Our growth drivers rely on trends. First demographics. Where are the young people, there is an
industrial potential. Where people are older, health develops. From this perspective, Europe is a growth market. Another trend is the demand for innovation. Who are the most innovative and where do
we innovate? This is the case in the United States,
Europe, China and even the Middle East. The world of innovation does not read on
the map of current industrial sites. Result, nothing prevents us from doing research in the
United States to Asia then produce and sell in Europe. The levers of Air Liquide growth in Europe, they are
health, environment, energy savings. Finally, the savings which are mainly
located industrial sites and natural resources. In 2008, 15% of our revenue came from
developing economies. In 2012, it was 23% and it will be 35%
faster.
Air Liquide celebrates 100 years of its
Wednesday market trading, even as the number of small shareholders is
decreasing in France. Are you worried about the future?
I have several sources of concern in
reality. The first concerns the French
institutional shareholders. He spent four years from 30 to 20% of our
capital. This decrease is significant. It is largely due to the implementation
of regulations Basel 3 and Solvency 2. In Europe, insurers have reduced by € 300 billion
investment in shares in recent years. These investments are lacking for
businesses, especially SMEs who are our customers. My second source of concern fundamental
to Air Liquide is our 400,000 individual shareholders who represent nearly 40%
of our capital. Between the alignment of capital
taxation on labor and the payment of 21% on dividends, we will scare individual
investors to less profitable and tax-free investments such as booklet A. However, shareholders are useful to businesses and we
should instead encourage the French to invest in stocks.
2013 Will it be another year of
increased earnings of Air Liquide?
Unless environmental degradation, we are
confident in our ability to achieve another year of growth in net profit in
2013.
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